Un roman français
L’auteur: Frédéric Beigbeder (né en 1965) est un diplômé de Science Po qu’on a vu dans les rédaction de Elle, Paris Match, qu’on a pu entendre dans Le Masque et la Plume, qui a fondé le prix de Flore, a également travaillé comme éditeur chez Flammarion, critiqué dans Le Grand Journal sur Canal +. Mais il est partout!
Le livre: lorsqu’en 2008, le romancier Frédéric Beigbeder est arrêté par la police en flagrant délit de consommation de cocaïne sur la voie publique, les heures passées en garde à vue sont l’occasion pour lui de revenir sur son enfance, sa vie, tout ce qui l’a conduit là où il est, en cellule, alors que son frère vient d’obtenir la Légion d’Honneur. Enfant de divorcés, marqué par les souvenirs des deux guerres que ses grands-parents lui ont fait ressentir, il relate, petit bout par petit bout, l’enfance et la vie dont il ne se souvient pas.
Difficile de résumer ce livre, puisqu’il s’agit d’une autobiographie. Commençons par le bon. Le ton est particulièrement juste: Beigbeder a des choses à dire sur la France, sur le monde, sur la société et ne s’en cache pas. A maints égards, il incarne une société française moderne qui n’a plus la fierté des cicatrices des deux guerres. Le livre est sensible et sincère, du moins dans l’intention. L’identification est aisée: ce texte exprime, sinon un franc mal-être, du moins un sentiment de perdition dans un monde où rien ne peut durer et où les paradoxes s’accumulent. L’érudition de Beigbeder est un vrai plaisir: il se réclame autant de Pérec que des séries télévisées de son enfance, avec la même désinvolture savoureuse. C’est d’ailleurs de George Pérec dans W ou le souvenir d’enfance que son entreprise se rapproche. La langue de Beigbeder ne manque ni de piquant ni de justesse, même si j’ai regretté quelques vulgarités qui pour moi n’étaient pas nécessaires. Le fil conducteur des souvenirs (la nuit passée en garde à vue) est appréciable, mais aurait mérité d’être plus soutenu afin de structurer davantage le livre. Car ce que j’ai regretté de cet ouvrage, qui entre pourtant si bien dans les traditions littéraires les plus académiques tout en se réclamant d’une société moderne, c’est une structure à laquelle je n’ai pas réussi à accrocher. A quoi tend-il, quel est le centre de gravité? Beigbeder se réclame de Pérec pour son projet, mais pour reprendre les mots de Flaubert, ce lire-là ne fait pas “la pyramide”, n’a pas d’épine dorsale solide qui le tient en place (ou alors elle m’a échappé).
En conclusion, j'ai apprécié l’ambiguïté générique et la manière dont Beigbeder construit un mythe personnel autour de son enfance telle qu’il la voit. J’ai apprécié le ton de confidence très fluide. J’ai apprécié les mises en abyme générationnelles puisque le livre se termine sur la présence de Chloé, la fille de l’auteur. J’ai moins apprécié ne pas savoir où va ma lecture. Et je reste assez perplexe quant aux critères d’attribution du Prix Renaudot: ce livre est tellement conçu pour être un livre emblématique de la France de 2009 que ça en perd son charme. Peut-être parce que dans cinquante ans ce sera la meilleure peinture par la littérature de notre époque. Mais quant à le décider aujourd’hui…
Je remercie chaleureusement le site pour m'avoir offert et fait découvrir ce roman.