Les coeurs autonomes - David Foenkinos

18 mars 2013

Les coeurs autonomes - David Foenkinos

Devant la police, elle se mure dans le silence. Son impassibilité fait froid dans le dos, après un tel massacre. Impossible d’en tirer le moindre mot. Comment cette si jeune femme issue d’une bonne famille catholique, si sage, a-t-elle pu être mêlée à cet horrible fait divers? Elle était toute timide, dans une famille où on ne parle pas, où l’on ne s’exprime pas. Il était exalté, plein d’idéaux, révolté, rêvant d’une grande révolution. Elle l’aime d’un amour fou, total, exclusif. Elle l’admire, trouve en lui et son monde ce souffle qui l’empêchait d’exister dans son monde à elle. Peu à peu, la société ne leur suffit plus. Le monde ne leur correspond pas. L’université et ses fausses promesses d’un monde meilleur, ils la quittent bientôt. Leurs familles les étouffent, ils s’installent dans une maison abandonnée. Ils passent des nuits entières avec d’autres étudiants à refaire le monde. Les manifestations sont le moment pour eux de faire exploser leur rage. Jusqu’au jour où les choses s’accélèrent, où l’Autre fait son apparition, et où le projet fatal prend forme.

Ce court roman revient sur un fait divers survenu en 1994. Et il s’intéresse surtout au personnage de la jeune femme, notamment à travers la jeune fille qu’elle a été. On sait finalement peu de chose d’elle, à part le fait qu’elle se construit dans le silence et le carcan que lui impose sa famille et qu’elle se dilue dans la personnalité forte et destructrice de son amant. J’ai été frappée par cet amour total, jusqu’à l’oubli complet de ce qu’on est, jusqu’à la perte total du sens des réalités. La jeune fille n’est ni révoltée ni violente au départ, elle ne le devient que parce qu’elle trouve dans la caractère emporté de son compagnon une réponse à défaut d’une autre. J’ai suivi avec une tension certaine la montée vers la marginalité, ne comprenant pas comment ils pouvaient se satisfaire de cette vie sans repère, surtout comment elle pouvait l’accepter.
Quant aux drames eux-mêmes, ils sont racontés avec une froideur et une exactitude remarquable. Ca fait un drôle d’effet de lire ensuite le récit des événements et d’avoir l’impression que l’auteur n’a rien dramatisé, rien inventé, et qu’il s’est contenté de relater une histoire qui avait déjà tous les ingrédients du drame romanesque. Après autant de scène hors du monde et hors du temps, le retour à cette brutale réalité policière est ce qui semble le plus irréel, et c’est peut-être le gros point fort de ce court roman d’arriver à nous faire rentrer dans l’esprit de ces deux amoureux qui ne se veulent soumis à aucune règle.

La note de Mélu: