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Ma bouquinerie
23 novembre 2012

C2H4O2 - Condie Raïs

C2H4O2Dans ce recueil qui porte pour titre la formule chimique de l’alcool, on croise toute sortes de personnages politiquement incorrects. Une jeune femme se rend compte que tous ceux qui la touchent finissent par mourir, assez vite; avec cynisme et résignation, elle s’emploie à choisir ses amants en sachant qu’une mort inattendue et parfois grotesque les attends au coin de la rue. Un écrivain s’acharne à vouloir écrire un roman sentimental mais ne peut s’empêcher de faire tourner au vinaigre la passion de ses héros; il demande de l’aide à sa voisine de palier, une certaine Condie Raïs, moyennant quelques verres de vin blanc. Une employée subit les assauts livresques d’un collègue avec qui elle se lance dans un véritable harcèlement littéraire mutuel; de quoi aller confier ses états d’âme à Condie autour d’un verre de Chardonnay. Un vibrant éloge à John Wayne s’applique à nous démontrer qu’il n’est pas mort, non, John Wayne est partout! Quand à cette petit fille, elle n’aime pas Noël, parce qu’elle n’aime pas que papa et maman ne la regarde plus du tout et ne pensent qu’à cuver leur alcool en regardant tristement par la fenêtre. Un gigolo payé par un milliardaire pour amuser sa femme se voit étendre ses fonctions à celle de directeur de conscience pour leur fille adolescente. Et Prospérine, la paria qui a osé coucher avec un boche, bannie du village avec son enfant à naître, prépare sa vengeance. Quant à ces deux professeurs de philosophie si courtois, un rien peut faire dégénérer leur échange de mail en véritable pugilat.

Mais quel régal! Je crois que Condie Raïs a trouvé en moi son public idéal. D’abord parce que j’aime les nouvelles, celle qui profitent de leur forme courte pour aller à l’essentiel et agir comme une pointe. Et ici, on a tout ce que j’aime. Une pointe de fantastique, du vrai, celui qui ne s’explique pas, qui ne fait pas intervenir de grands éclairs magiques mais qui s’insinue dans notre quotidien avec son petit malaise, qui remue quelque chose d’à la fois attendrissant et terrifiant. Un art de la chute, qui manipule volontiers un lecteur sur un sujet profondément malsain. Une décadence affichée: sexe, alcool, amoralité. Une mise à distance intéressante, puisque l’auteur met son propre personnage en scène, en vieille dame aux chats accros aux livres et au pinard. Et surtout, l’humour, mais un humour noir, caustique, grinçant, sur des sujets dont tout le monde ne rit pas, qui fustige les effets de mode en librairie, le pseudo-savoir-vivre intellectuel universitaire, les pudeurs archaïques. J’ai tout simplement adoré la bagarre livresque: “Ah tu m’offres le dernier livre de Marc Mussaut? Tiens, prends-toi donc un bon John Fante, on verra si tu t’en relèves…” Jouissif! Sans parler de l’échange de mail entre les deux philosophes qui dégénère et où l’on passe de “Permettez-moi de vous féliciter chaleureusement pour votre excellentissime article” à “ Tu te prends pour un philosophe, mais tu n’es qu’un vulgaire étron pendu à ma godasse !” Et si le sarcasme et le cynisme des premières nouvelles m’ont fait glousser de plaisir, les suivantes m’ont parfois émues aux larmes tant elles soulèvent des sujets poignants et tabous. J’en aurai voulu encore.

La note de Mélu: un coup de coeur!

coup de coeur 2

En toute subjectivité! Ce livre parle tout simplement mon langage. Un immense merci à Condie Raïs pour cette lecture! Le livre est vendu sur Amazon ici pour 2,68 €, mais vous pouvez aussi acheter les nouvelles séparément au prix de 0,89 € l’une (franchement, si c’est pas commerçant comme geste, ça??? moins cher qu’un MP3!): essayez celle-ci par exemple, ou celle-là

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Commentaires
A
Je ne suis pas une grande fan des nouvelles, mais il faut avouer que tu en parles très bien ^^
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D
Littérature et vin: voilà quelque chose qui a l'air sympathique! Est-ce que cet ouvrage existe aussi sur papier?
Répondre
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