Le noeud de l’intrigue - Daniel Fattore
Sur un coin de table ou au comptoir d’un bar, voici quelques petites histoires qui sauront vous dépayser. On y croisera, au fond d’un amphithéâtre poussiéreux, un étudiant qui n’est autre que vous et qui doit subir un examen de philosophie, mais dont l’esprit a bien du mal à se fixer sur les concepts altiers au souvenirs de quelques jolies filles et de quelques verres. Un peu plus loin, peut-on jouer son sang-froid au poker? Visiblement oui. Et quand on meurt, peut-on être directement recruté par Dieu? Attendez de voir! Un Japonais à Cambrai est bien fier d’en rapporter une spécialité locale, d’authentiques bêtises, mais le dépaysement risque d’être de courte durée. En parlant de dépaysement, un peu plus loin, c’est un alien traducteur intergalactique qui va nous décrypter et analyser les étranges coutumes des Terriens en matière de boisson: vous étiez-vous déjà interrogé sur cette étrange habitude de boire à la santé de quelqu’un? Et la Chartreuse, cette noble liqueur servie le soir en digestif, qui se met à sentir le caoutchouc…
Je ne peux vous résumer toutes les nouvelles de ce recueil, car certaines sont tellement concises que je ne pourrai le faire sans gâcher la surprise. Car elle est de taille, d’abord pour l’ingéniosité et l’inventivité des histoires, sans parler de leur variété: on passe de l’anecdote, à la science-fiction, à quelque chose qui ressemble presque au conte philosophique, il y en a pour tous les goûts. La deuxième surprise (qui n’en est pas vraiment une pour qui suit de temps en temps le blog de Daniel Fattore) tient en la qualité de la langue. Non seulement elle est soignée, mais elle est maniée comme un bel objet, parfois comme un jeu, et prend une place de choix dans chaque nouvelle au même titre que l’intrigue qu’elle est supposée servir. J’ai beaucoup aimé les nouvelles qui jouent sur le sens des mots, comme “Bière” (boisson ou cercueil” et surtout le “Filet de Bar”, autrement dit la fille dont le rôle est d’attraper dans ses filets les clients du bistrot, et de bien les retenir. Si beaucoup de nouvelles consistent donc en ces déploiements ingénieux de quelques pages, on n’a pas pour autant renié l’art de la chute: j’ai notamment beaucoup aimé celle des bêtises de Cambrai, cynique juste ce qu’il faut pour me plaire, et même si je suis un peu blessée qu’on maltraite autant ma chère Charteuse, je souris de penser à ce que diraient les chastes moines liquoristes s’ils savaient ce qui est arrivé à leur divine boisson. Mais je pense que ma préférée est “Le plus petit supermarché d’Europe”, car il combine tous les avantages des précédents en y ajoutant l’attendrissement d’un petit commerçant seul avec son minuscule étal où il vend tout simplement de tout. Unique.
La note de Mélu:
Un plaisir à picorer! D’ailleurs, Liliba en a fait un coup de coeur!
Un mot sur l’auteur: Daniel Fattore est un blogueur littéraire et un auteur originaire de Suisse. Je vous recommande son blog!
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