Alice au pays des merveilles - Lewis Caroll
L’auteur: Lewis Caroll (1832-1898) est le pseudonyme Charles Lutwidge Dodgson, est non seulement écrivain, mais aussi photographe et mathématicien. Britannique, on a dit de lui que les bizarreries de son écritures venaient du fait qu’il était gaucher. Aurais-je des talents cachés?
Le livre: La petite Alice s’ennuie sous son arbre. Lorsque soudain, un lapin blanc passe devant elle, tire de sa poche une montre et se précipite dans un terrier. Alice n’hésite pas longtemps et se lance à sa poursuite. La voilà qui tombe dans un puits sans fond. Commence alors une série d’aventures sans queue ni tête, où elle ne cesse de grandir et de rapetisser. Elle rencontre tour à tour la duchesse et son bébé qui se transforme en cochon, la chenille bleue et son narguilé, le chapelier fou, et bien sûr le mystérieux chat de Cheshire.
Inspiré par Alice Liddell, pour qui Lewis Caroll improvise cette histoire au fil d’une promenade en bateau, ce roman absurde a ceci de fascinant qu’il mélange la féérie et des éléments des plus inquiétants tels cette duchesse à qui l’on jette des casseroles et dont l’enfant se transforme en cochon, sans parler de cette reine de coeur terrifiante qui coupe des têtes à tout va. Un vrai conte de fée avec tous ses sens dissimulés. Il est cependant dommage de ne pouvoir accéder à toute la culture populaire britannique que Lewis Caroll détourne et parodie dans la plupart des chansons du livre: un peu comme si un conte français détournait “Frère Jacques” et “Au Clair de la lune”. Ce livre fait partie de ces histoires que l’on connaît trop bien sans avoir jamais regardé dans le livre original. Je ne regrette pas: Disney n’a pas gardé toutes les scènes et certaines méritent le détour. Le chapelier fou, notamment, est perturbant parce qu’il a un discours d’une logique imparable. Ce conte se prête à toutes sortes d’analyse psychanalytique, depuis la crise d’identité que subit Alice jusqu’à la remise en cause de ses connaissances (soigneusement apprises à l’école) et de l’ordre établi.
A l’instar du Petit Prince, un de ces romans devant lequel notre regard d’adulte est battu en brèche par notre âme d’enfant.
Titre original: Alice in wonderland (traduit de l'anglais).
Le film: Tim Burton a encore frappé dans les classiques pour enfant: en 2010, c’est Alice qui passe sous sa plume. Burton est fidèle à ses comédiens fétiches: le talentueux, le merveilleux, le fantastique Johnny Depp donne corps au Chapelier Fou, et Helena Bonham-Carter incarne la Reine de Coeur. Mais le scénario est refondu: Alice (Mia Wasikowska) a grandi, a laissé derrière elle les cauchemars qui l’entraînent derrière les miroirs et autres pays merveilleux. Elle doit se marier, porter un corset, être une lady anglaise. Oui mais quelque chose cloche. Alors au moment où elle doit donner une réponse au répugnant lord Hamish (méconnaissable Laurence Richardson), elle préfère partir à la poursuite du lapin blanc. Sans se poser la moindre question, elle court et s’enfile sans hésiter dans un terrier sous un arbre. La voilà dans un pays des merveilles étrangement froid qui semble l’attendre avec impatience mais dont elle n’a aucun souvenir. Et les choses y ont bien changé depuis la dernière fois qu’elle est venue, puisque la Reine Rouge y règne en despote tandis que sa sœur la Reine Blanche (Anne Hathaway) est le dernier espoir de résistance. Déjà vu, dites vous? Cousu de fil blanc, pensez-vous? Hélas oui, le scénario, assez décevant. Soyons clair, c’est du Disney, du pas trop compliqué, du pas trop élaboré, du pas trop surprenant, et on en veut un peu à Tim Burton de ne pas s’être davantage affirmé là-dessus (non mais!). Le film devient vite un film pour enfant, une heroic fantasy assez banale. J’ai trouvé Johnny Depp un peu en dessous, retombant trop facilement dans des avatars de Jack Sparrow ou Willy Wonka. Pour le reste, la beauté esthétique du film m’a convaincue : bien que discrète, j’ai reconnu la griffe de Burton, dans un pays des merveilles où les arbres reprennent les silhouettes torturées qu’ils avaient dans Sleepy Hollow, dans le superbe chat de Cheshire volubile, versatile, insaisissable, et dans cette Reine Blanche que beaucoup ont décrié, maniérée et artificielle, support d’une ironie toute burtonnienne lorsqu’elle prépare sa potion à base d’ingrédients tous plus écœurants les uns que les autres, et à avoir un haut-le-cœur lorsqu’on tue le vilain monstre. J’ai apprécié la 3D (je ne la paye pas plus cher grâce aux places de ciné du CE de monsieur, alors j’en profite), surtout les tasses de thé que le lièvre nous lance à la tête. J’ai adoré ces animaux qui parlent, notamment le chien Bayard, très émouvant et très réaliste (et le support d’une belle référence à L’Histoire sans fin). Ce n’est pas le meilleur film de l’année, ce n’est certainement pas le meilleur film de Tim Burton, mais ça reste une belle performance esthétique qui se laisse regarder avec beaucoup de plaisir!
Quelques images pour illustrer mon propos:
L’arbre distordu, sur un détail de l’affiche du film, et une belle grille de cimetière pour entrer dans le pays des merveilles.
Mon chouchou le chat de Cheshire.