Dimanche au musée n°99: Edouard Manet
Cette semaine, place à un peintre que décidément j’aime beaucoup, Edouard Manet (1832-1883). Voici Le Torero Mort.
J’ai découvert cette peinture en travaillant sur les natures mortes. Oui, je sais, c’est glauque. N’empêche, en bonne amatrice de naturalisme du XIXème siècle, je suis fascinée par les représentations de cadavres qui fleurissent à cette époque. Ici, le format a de quoi surprendre: au ras du sol, le regard observe un torero allongé sur le dos qui la traverse dans une horizontalité parfaite. Il est seul sur la toile: on devine la jonction entre un sol et un mur, mais le tableau est d’une grande sobriété. D’ailleurs, là où le torero est le symbole d’une tradition festive toute en couleurs chaudes et en paillettes, il est ici vêtu entièrement en noir et blanc, et tient à la main une muleta dont le rouge semble un lointain souvenir. Quelle froideur, là où le torera est un héros qui meurt dans un combat noble contre une bête toute aussi noble! Et non: ici, la mort du torero se fait dans l’ombre, en silence, comme s’il avait d’un seul coup fané en mourant.
Ce qui est également marquant, c’est la manière dont ce torero mort se tient tranquille, comme s’il était juste allongé, endormi, une main sur la poitrine. Il n’a d’un cadavre que cette tache sombre qui imbibe son vêtement et qui laisse juste deux petites taches rouge, seules taches de couleur d’une rougeur glaçante: ce torero n’a de coloré que le symbole de sa mort, symbole rouge retourné avec brio de sa connotation festive à sa connotation mortelle, qui répond ironiquement au rouge que la muleta a perdu.
Il paraît que la nature morte est une manière de rappeler que nous allons tous mourir un jour, n’est-ce pas là une belle manière de la retourner à la sauce clinique et cynique du naturalisme anti-romantique?
Qu’en pensez-vous?