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Ma bouquinerie
25 novembre 2014

Respire - Anne Sophie Brasme

 

respireCharlène Boher, 19 ans, écrit depuis la prison où elle est incarcérée depuis deux ans. Entre le quotidien d'une prison où la peur et la mémoire sont ses pires ennemis, elle raconte l’amitié destructrice, toxique, qui l’a conduite à l’irréparable. Elle, la fille invisible, dépendante, mal dans sa peau depuis toujours, en quête d'une personne sur laquelle se reposer. Lorsque Sarah entre dans sa vie, elle pense l'avoir trouvé: elles s'aiment comme des soeurs, elles sont tout l'une pour l'autre. Sarah est belle, sûre d'elle, un véritable roc. Alors quand, et  comment, et pourquoi commence-t-elle à l’humilier, l’accabler de reproches, à lui faire sentir que sans elle, Charlène n'est rien? Et pourtant, toujours elle revient vers son bourreau.

 

C’est un de mes coups de cœur de jeunesse, que j'ai lu en 2001 et dont j'avais déjà publié une critique en 2007. Je l'ai relu pour la sortie du film. J'ai retrouvé la justesse de ce personnage torturé depuis toute petite, qui ne cesse de disparaître et qui cherche toujours à être deux, à se reposer sur quelqu'un de plus fort, quelqu'un pour qui elle serait tout et à qui elle serait toute dévouée. La banale admiration que ressent une ado un peu mal dans sa peau pour la fille populaire du lycée, là où elle pourrait être si clichée, est ici traitée avec beaucoup de subtilité. Tout se passe dans la tête de Charlène et l’on se laisse facilement entraîner dans les recoins sombres de cette âme torturée. J'ai eu l'impression de lire à la fois une histoire à laquelle tous peuvent s'identifier tant on y reconnaît l'amitié extrême typique de l'adolescence, où l'autre est tout au point que l'on en perd toute estime de soi, et à la fois tout à fait unique puisqu'elle nous entraine dans une véritable névrose où l'on admire l'autre au point de lui en vouloir d'être de ce monde.

D'une amitié réellement toxique, où Sarah s'engouffre sans peut-être le savoir dans les failles de Charlène, on passe à une histoire d'obsession, d'addiction dont on ne peut se libérer. Le livre porte bien son titre : il est celui de l’étouffement, soit par la passion, soit par la haine, dans les deux cas par une relation qui ne laisse jamais la narratrice respirer. Et dont elle est cruellement consciente, puisqu'elle exprime cette souffrance, ce manque d'air qui la saisit chaque fois que Sarah referme son emprise sur elle, mais aussi chaque fois qu'elle est loin d'elle. Inexplicablement, peut-être parce que c'est son bourreau qui lui donne une existence, Charlène revient vers Sarah. Là encore, on y retrouve le besoin de reconnaissance adolescent mais aussi quelque chose de plus profond, qui laisse sur un malaise différent d'une simple histoire d'école.

La note de Mélu:

Note 5

Un roman qui m'a prix aux tripes à l'époque et dont je salue aujourd'hui encore la virtuosité.

Un mot sur l'auteur: Anne-Sophie Brasme est née en 1984. Vous comprenez pourquoi j’ai eu envie de lire son roman : elle l’a écrit à 17 ans, et à sa sortie, j'avais 15 ans. Autant vous dire que je me suis vite sentie concernée.

 

 

 

respire filmLe film: en 2014, l'actrice Mélanie Laurent, passée depuis quelques temps derrière la caméra, décide d'adapter ce livre qui, dit-elle, l'a marquée à l'âge de dix-sept ans. Voilà qui nous fait un point commun.
Pour le scénario, elle a pris un certain nombre de libertés. Honnêtement, je n'ai pas reconnu l'histoire qui m'avait tant marquée. Le roman d'Anne Sophie Brasme est celui d'une amitié qui tourne mal, entre une manipulatrice pleine des défauts qu'ont toutes les petites pétasses à l'adolescence, et une fille déjà fragile, névrosée, profondément perturbée, en quête d'une personne à adorer. Ici, Charlène, surnommée Charlie, est une jeune fille réservée mais équilibrée, à l'aise dans son groupe d'amis, un peu écrasée par un père qui est en train de détruire sa mère à petit feu. Quant à Sarah, si elle est si méchante, c'est à cause de son contexte familial. Bref: d'un roman sur la psychologie adolescente torturée et ses excès, on bascule sur un sujet beaucoup plus classique, beaucoup plus à la mode, de harcèlement scolaire sur fond de problèmes sociaux. Sujet qui n'est pas moins important, mais pour le coup, moins original et moins intrigant. Mélanie Laurent verse d'ailleurs dans quelques plans clichés qui, à force de montrer en silence une Charlie seule sur l'écran pendant de longues secondes, enfoncent bien lourdement des clous, ou encore dans des effets de symboliques et d'écho (comme par hasard, en cours de bio, c'est une vidéo sur une plante parasite que l'on montre) qui deviennent un peu lourd. Mais peut-être faut-il aussi penser aux spectateurs moins subtils.
Ceci dit, Respire reste un bon film, bien tourné, bien mené, et cela tient surtout dans le duo d'actrices principales. Diaphane et presque transparente, avec ses grands yeux tristes, Joséphine Japy incarne parfaitement Charlie, cette adolescente lambda qui peut si facilement se transformer en victime, qui semble avoir tant de choses à dire mais qui préfère se taire et s'excuser. Mais celle qui tient tout le film, à mon sens, c'est Lou de Laâge, qui est non seulement vénéneuse et manipulatrice à souhait, mais surtout sensuelle, fascinante, mélange d'une provocation sens borne et d'un naturel nonchalant. On sait qu'il faut la détester mais elle attire tous les regards. J'ai été réellement bluffée.


 

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Commentaires
N
Très bon livre en effet, bien écrit et captivant. il ressemble à Antéchrista de Nothomb, mais en réussi. Cela dit, Respire est un bon roman, mais qui n'est pas non plus à proprement parler inoubliable. A lire tout de même.
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G
Je note!! Lecture de l'été oblige, je recherche des titres et des idées!
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