L'auteur: Arthur Rimbaud (1854-1891) est né et a vécu à Charleville toute sa jeunesse. A vingt-et-un ans, il arrête quasiment toute activité poétique. Un parcours fulgurant qui fascine encore beaucoup.

Le livre: Le recueil veut réunir toutes les poésies de Rimbaud chronologiquement. L'on commence ainsi par ses premières poésies, adressées dans des lettres à ses professeurs de rhétoriques, qu'il supplie de ne pas le laisser moisir à Charleville. La poésie de Rimbaud est violente, très violente. L'alexandrin y subit les pires tortures, complètement disloqué, au point que c'en est laborieux à lire parfois. Révolté contre la guerre de 1870, la commune de Paris, donc il dénonce les horreurs, la lâcheté des vainqueurs, les violences. Rimbaud est un poète engagé. Mais c'est aussi un poète épris de liberté. Marcher dans la nature, se laisser pousser par le vent, partir à l'aventure sans savoir où sont autant de thèmes récurrents chez un Rimbaud enfermé et brimé chez une mère qu'il décrit comme tyrannique. C'est là le thème de ce Bateau Ivre, gorgé d'eau de mer et poussé par le courant et les tempêtes. Rimbaud est aussi un poète de la soif et de l'ivresse: il y a chez lui un désir de perdre contact avec la réalité, et de créer des univers poétiques dans lesquels on devine une préfiguration surréaliste. C'est souvent l'image du vin, de la bière ou même de l'eau, qui vient alimenter ce registre.
J'ai beaucoup aimé ces poèmes de la soif, ces poèmes de la liberté, de l'ouverture vers de grands espaces. J'ai beaucoup aimé aussi toute la partie de l'époque Verlaine et de l'album zutique, ne serait-ce que pour la provocation ouverte de ces poètes fin-de-siècle. Par contre, ce que j'ai moins aimé, c'est l'élan presque épique que Rimbaud prend parfois: j'aime la poésie suffisamment brève et intense pour rester en tête, comme une musique. Mais les longs chants de révolte, à la Hugo, me plaisent moins. Aussi mes pièces préférées de Rimbaud sont-elles de pièces courtes, mis à part le Bateau Ivre parce qu'il fonctionne selon des quatrains bien rythmés et des mouvements bien définis.
Pour vous rappeler d'autres titres de Rimbaud bien connus, on retrouve dans ce recueil les célèbres Dormeur du Val, Voyelles ou encore Ma Bohème. Mais comme je ne veux pas vous faire relire des poèmes déjà trop lus, en voici un qui correspond bien à ce que j'ai aimé dans le recueil:

Larme

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,

Je buvais, accroupi dans quelque bruyère

Entourée de tendres bois de noisetiers,

Par un brouillard d'après-midi tiède et vert.

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,

Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert.

Que tirais-je à la gourde de colocase?

Quelque liqueur d'or, fade et qui fait suer.

Tel, j'eusse été mauvaise enseigne d'auberge.

Puis l'orage changea le ciel, jusqu'au soir.

Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches,

Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.

L'eau des bois se perdait sur des sables vierges

Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares...

Or tel un pêcheur d'or ou de coquillages,

Dire que je n'ai pas eu souci de boire

Poésies

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