L'auteur: Jean-Paul Sartre a déjà fait son apparition sur ce blog, aussi je vous y renvoie.
Le livre: deux pièces de théâtre de Sartre, très connues.
La première, Huis Clos, rassemble trois personnages qui ne se connaissent pas dans une pièce nue, seulement meublée de trois canapés. Le garçon d'étage fait d'abord entrer Garcin, journaliste, puis Inès, employée des postes et enfin Estelle, riche mondaine. Laissés seuls, les trois personnes discutent des conditions qui les amènent ici: ils viennent de mourir et les voici confrontés à leur enfer: les autres. En effet, aucun pal, aucun instrument de torture, aucune flamme ne les attend en Enfer: chacun se voit renvoyer ses fautes en pleine figure par les deux autres, et ce, indéfiniment. Très originale, cette pièce est à mi-chemin entre le procès et l'enfer dans une image très efficace du Jugement Dernier: elle nie cependant toute transcendance puisque ce sont les hommes qui sont juges et bourreaux les uns des autres. Si les personnages des deux femmes sont tout particulièrement déplaisantes, Inès par son cynisme et sa cruauté et Estelle par sa superficialité, Garcin m'a moins agacé: ce journaliste fusillé pour désertion condamné pour sa lâcheté m'a plutôt émue, mais n'oublions pas qu'en 1943, le sens devait en être totalement différent.
La seconde pièce, Les Mouches, m'a laissée plus perplexe. Elle nous mène en Grèce Antique, à Argos, où revient Oreste, le fils du roi Agamemnon. En effet, la reine Clytemnestre a autrefois fait assassiner son mari par son amant Egisthe,réduit la fille Electre en esclavage et ordonné la mise à mort d'Oreste, encore enfant, qui a eu la vie sauve et revient après quinze ans. Plongée dans la mort et le crime, la ville est envahie par les mouches. Electre tente de soulever le peuple, mais Jupiter, Dieu de la mort et des mouches, veille à maintenir la ville dans le souvenir des crimes. Avec le soutien d'Electre, Oreste décide de se venger. Mais là encore, Jupiter fait tout pour maintenir Electre et Oreste dans le remords alors qu'Oreste ne revendique qu'une chose: la liberté, qui nécessite de s'affranchir du remords. J'ai eu du mal à saisir cette articulation entre remords et liberté, je l'avoue. Si j'admets qu'Oreste ne peut être libre que s'il accepte d'assumer un crime somme toute juste, j'ai du mal à comprendre pourquoi Jupiter s'obstine à maintenir la ville dans les mouches. En contexte de France occupée, il semblerait que cette présence divine soit une image du rôle de la religion catholique sous Pétain, où l'on recommandait la collaboration (et donc les mouches). Figure de résistant, Oreste est aussi celui qui accepte de prendre un fardeau avec lui pour en débarrasser le peuple. Pleine de symbole, cette pièce n'est cependant pas aisée à comprendre et nécessiterait une interprétation (notamment scénique) très travaillée. Voici une pièce que j'aimerai voir sur scène!
Que retiendrai-je du théâtre de Sartre? Sa défiance vis-à-vis de la religion (rien de surprenant pour cet existentialiste) et sa croyance en la liberté de l'homme, quitte à tomber dans l'absurde et dans le jusqu'auboutisme. J'ai beaucoup aimé Huis Clos: l'absurde légèreté de la situation et son incroyable potentiel dramatique m'ont séduite.

Huis clos - Les mouches

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