Après y avoir fait une allusion la semaine dernière, j'ai décidé de vous parler d'un tableau d'Ingres (1780-1867) cette fois. Il est connu pour ses tableaux de Napoléon 1er. Mais aujourd'hui, petite incursion dans les célèbres mythes avec Oedipe et le Sphynx.

Je vous avais déjà parlé de la fin de la vie d'Oedipe avec une statue d'Hugues. Rappelons le début: le roi de Thèbes, Laius a abandonné son enfant car les oracles avaient prédit qu'il tuerait son père et épouserait sa mère. Mais Oedipe, adopté par le roi de Corinthe, ignore sa véritable identité lorsqu'il tue par accident un vieux voyageur au détour d'un chemin: c'était Laius. Arrivé à Thèbes, il apprend que la ville vit sous l'emprise du Sphynx, monstre mi-femme mi-lion, et qui soumet chaque arrivant à une énigme insoluble et dévore ceux qui répondent mal. La main de la reine Jocaste est promise à celui qui vaincra le monstre. Oedipe l'affronte donc et écoute la célèbre énigme: Quel animal marche à quatre pattes le matin, deux pattes le midi, trois pattes le soir?

Arrêt sur image, Oedipe en pleine réflexion. Campé dans la position type du penseur, un pied conquérant posé sur le rocher, un coude appuyé sur le genoux et un doigt pointé comme pour suivre les méandres de sa pensée, Oedipe semble davantage en pleine conversation avec le Sphynx qu'en train de jouer sa vie. C'est l'occasion d'un magnifique jeu de lumière: le corps d''Oedipe occupe tout l'espace vertical du tableau et , éclairé avec franchise, s'impose, massif. Appuyé sur ses lances, il est représenté comme le parfait mélange entre la force guerrière et l'intellect, mais aussi du courage, comme le suggère l'homme en fuite qu'on aperçoit en arrière plan et qui fait ressortir la position statique et frontale d'Oedipe: aucun mouvement, tout se passe dans la tête de monsieur. Ironique quand on sait qu'il est en train de se faire complètement avoir par le destin, n'est-ce pas? Une démonstration de l'orgueil d'Oedipe? Peut-être. Toujours est-il que la figure du Sphynx, elle, reste mystérieusement dans l'ombre, la seule partie de son corps éclairée étant cette poitrine féminine tendue vers Oedipe. Séduction, dissimulation de sa nature monstrueuse en mettant en avant ses attibuts humains, ou préfiguration que cette femme-là lui apportera peut-être moins de malheur que la femme qui l'attend si il passe outre? Ce tableau n'a probablement pas fini de développer les interprétations tant le personnage d'Oedipe oscille entre le héros et le criminel, entre le savoir éclairé et l'aveuglement.

Qu'en pensez-vous?

Dimanche au musée n°49: Jean-Auguste-Dominique Ingres

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