La guerre de Troie n'aura pas lieu - Jean Giraudoux

De temps en temps, dans mon travail, je choisis des lectures qui sont vraiment des coups de coeur pour moi. C'est le cas de cette pièce de théâtre écrite en 1935 et qui revisite le mythe popularisé par Homère.

Pâris, prince de Troie, vient d'enlever Hélène, femme du roi de Sparte. L'inquiétude ne lâche pas les femmes troyennes: la guerre arrive. Cassandre, soeur de Pâris et devineresse, en est persuadée. Andromaque, elle, veut croire au miracle. Son mari, Hector, frère aîné de Pâris, revient d'une guerre, et il ne permettra pas qu'une autre y succède. La tâche n'est pas simple, car malgré l'évidence d'une catastrophe qui arrive, toute la ville semble déterminée à la guerre.

Si j'aime autant cette histoire, c'est pour son côté inéluctable et désespéré. Tout le monde le sait: la guerre aura lieu, elle durera dix ans, elle sera terriblement meurtrière et la ville de Troie sera rayée de la carte. Et surtout, le spectateur le sait. Il y a quelque chose d'admirable et de pathétique dans le fait de tout faire pour la conjurer, y compris le clamer dès le titre et le répéter comme un mantra. Nombre de paroles des personnages prennent un double sens tragiquement clair pour nous, comme l'évocation du fils à venir d'Hector et Andromaque.
Les thématiques développées sont, elles aussi, marquantes. Très vite, il apparaît que l'enlèvement d'Hélène n'est qu'un prétexte et tous les hommes de la ville vont chercher moult prétextes tous plus philosophiques les uns que les autres pour justifier la guerre. Car après tout, un homme est-il vraiment un homme s'il ne se bat pas, s'il fuit le combat? C'est la question de la virilité toxique qui est posée et derrière elle, tout un choix de société qui est dépeint et qui est d'une modernité remarquable.
Celui qui tient toute l'histoire à lui seul, c'est Hector et c'est définitivement un de mes personnages préférés de toute la littérature. Prince héritier, père de famille, défenseur de la patrie, il semble n'avoir que des devoirs et une pression incroyable. Et il la porte, seul. Pour sauver la paix, sa ville, mais aussi son bonheur familial, il endure tout: les insultes, les humiliations, les provocations, les coups. Et cela ne suffira pas. Son couple avec Andromaque, soudé jusqu'au bout, est un véritable modèle. Le suivre dans ses tentatives vaines est un crève-coeur où l'on rit jaune devant toute ce peuple autour de lui qui ne mesure pas l'ampleur du désastre dans lequel il se jette et dont il devra, ensuite, essayer de les sortir.

La note de Mélu: un coup de coeur

Un mot sur l'auteur: Jean Giraudoux (1882-1944) est un dramaturge français.

Comments

[ta d loi du cine]

Et encore un classique à relire par moi cette année (pour le challenge "2023 sera classique" co-organisé par Nathalie et Blandine)!

Merci pour l'idée...

(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola