Dimanche au musée n°69: Auguste Rodin
Un grand absent de mes étagères muséographiques: le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) est pourtant le plus connu de tous les scultpeurs modernes français, avec son Baiser et son Penseur. Aujourd'hui, celui qui m'intéresse, c'est L'Ombre.
A l'origine, il y avait trois Ombres, petites, destinées à orner la Porte de l'Enfer, une commande pour le musée des Arts Décoratifs de Paris, et inspirée par la Divine Comédie de Dante.
L'Ombre que j'ai vue n'était pas celle-ci qui est à l'Orangerie des Tuileries. Je l'ai vue, quant à moi, au Palais des Beaux-Arts de Lille, et le fait de la voir en milieu fermé donne une impression toute différente.
La statue mesure cependant 1m91 (sans le socle): autant vous dire qu'à côté, on se sent tout petit! Le bronze massif, bien lisse et bien noir en fait une silhouette très impressionnante. De plus, placée au bout d'une galerie, la statue fait face au mur et vous tourne le dos jusqu'à ce que vous preniez le temps de la contourner, ce qui vous oblige à la longer et donc à apprécier sa hauteur. Ce qui choque pourtant, c'est ce curieux contraste entre cette statue dominante et son aspect misérable, cabossé, presque pénitent. En effet, la tête n'est plus seulement courbé, elle forme un angle droit parfait avec les épaules, de sorte que le personnage semble littéralement décapité: on a l'impression que rien ne dépasse de ses épaules! Les bras ballants, surtout le gauche qui semble hésiter à se tendre, donnent une fragilité, presque une vulnérabilité à ce personnage.
Dans la commande d'origine, l'Ombre semble être une variation sur le personnage d'Adam, dont il se différencie justement par cette courbure de l'échine. On a réellement l'impression d'un double, de l'alter ego oublié et meurtri d'un grand personnage, ce qui lui donne quelque chose de profondément romantique, "un géant brisé et mal ressoudé" pour paraphraser Victor quand il décrit son sonneur de cloche. Un mélange de sublime et de grotesque.
Mais c'est que je deviens lyrique, moi!
Qu'en pensez-vous?