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Ma bouquinerie
6 mars 2011

Dimanche au musée n°39 : Pierre-Narcisse Guérin

Cette semaine, j'ai décidé de vous parler d'un tableau que j'ai croisé après ma lecture de la pièce Phèdre de Racine. Il est signé Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833), peintre français de style néo-classique très inspiré par les sujets antiques et mythologiques. Il a intitulé cette toile Phèdre et Hippolyte.

gu_rin_ph_dre_et_hippolyteRappelons l'histoire: Phèdre est mariée à Thésée, roi d'Athènes. Mais elle est amoureuse d'Hippolyte, le fils que Thésée a eu d'une précédente union. Lorsqu'on annonce la mort de son mari, Phèdre exulte: elle peut enfin vivre son amour au grand jour. Mais la rumeur est démentie, et Thésée revient. Terrifiée, Phèdre suit les conseils de sa nourrice Oenone et décide , pour se disculpler, d'accuser Hippolyte de la convoiter.
La tension de cette scène est palpable. Il s'agit visiblement d'une confrontation: Thésée courroucée semble demander des explications à un fils qui rejette les accusations d'un geste de la main, en présence d'une Phèdre impassible. Notons que la scène n'existe pas dans la pièce de Racine. Mais ce qui frappe immédiatement, c'est le regard furieux de Thésée, l'époux trompé par son fils, tête penchée, poing serré, il semble déjà fomenter la terrible malédiction qu'il lancera après son fils. A ses côtés, Phèdre semble tout aussi déterminée: tournée vers le spectateur, son visage dur et fermé évite soigneusement de s'impliquer dans la confrontation avec celui qu'elle accuse pour se préserver. Mais surtout, elle tend l'oreille aux mots qu'Oenone lui glisse à l'oreille. La présence de la nourrice disculpe immédiatement la Reine: même si elle est dans la lumière, accusatrice dans ce procès, c'est bien Oenone, dans l'ombre, qui en est la réelle responsable. D'où une composition très déséquilibrée entre le couple royal, ferme, massif, poussé par la traitresse, et l'innocent, seul, mais pur, blanc, aérien, dont tout montre qu'il est complètement étranger à cette histoire, qu'il s'agisse de son geste, sa gamme de couleurs, ses yeux clos, son arc et ses flèches rappelant qu'il est plus un chasseur qu'un galant, et son apparence androgyne. Soyons honnête: si Phèdre est d'une matérialité troublante qui laisse deviner ses conflits charnels intérieurs, Hippolyte est à l'opposé de l'image virile et séductrice qu'on voudrait lui faire porter dans ce procès.
Loin d'une scène réaliste, ce tableau est un concentré de mise en scène et de symbole, et la vraisemblance en est somme toute, bien secondaire. Non?

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Commentaires
L
J'ai toujours détesté Phèdre !!!
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