La Foudre
L'auteur: Lydie Dattas est une auteure française.
Le livre: Une femme raconte son histoire, sous deux angles différents. Depuis son tyrannique grand-père, en passant par sa mère comédienne flamboyante et son père organiste à Notre-Dame, elle relate son enfance et ses premières années. En parallèle, elle évoque sa rencontre et son mariage avec Alexandre, un dompteur du cirque Rimbaud. En chapitres alternés, on découvre la vie de la petite fille face à la folie de grandissante d'une mère qui ne sait vivre que sur les planches, et l'introduction d'une femme étrangère dans le monde fermé des gitans illettrés ou toutes les valeurs se mélangent.
Je l'avoue, le résumé m'a fait envie. Mais dès l'ouverture du livre, j'ai ressenti comme une asphyxie. J'ai eu besoin de relire trois fois chaque phrase pour m'assurer de son sens. De mots inhabituels en métaphores et périphrases alambiquées, la langue de l'auteure, très lourde à lire, nous perd dans un vertige poétique qui peine à réellement retranscrire le sens. Les trois premiers chapitres ont longtemps été un mystère: où est-on? qui sont ces gens? sont-ce réellement des gens? des animaux? des entités? parle-t-on toujours du même personnage? est-ce un autre? Ce n'est qu'au bout d'une cinquantaine de page que j'ai compris que le nom de Rimbaud ne désignait pas le célèbre poète mais une famille de gitans. Là est probablement la clé de cette langue alambiquée: une volonté de faire un parallèle permanent entre la triviale réalité où se croise dépression, violence conjugale et autres bassesses, et le monde onirique des livres, des mots et de l'art. Ainsi on ne se prive pas de référence à l'enfant poète prodige ou encore à la tragique Médée. L'auteure se plaît à associer les volutes verbales les plus ciselées avec l'évocation d'une réalité basse, souillée, limite scatologique, à l'image de la société gitane dans laquelle elle est introduite, qui mélange le rêve du costume de lumière avec la violence d'une boucherie. Faire du réel une œuvre d'art, soit. Mais ici, cela ressemble davantage à un exercice de grammaire poétique, à un concours à quelle phrase sera la plus imagée, la plus obscure, la plus profonde, la plus riche de sens figurée. Comme si le fait d'arriver à comprendre qu'il y avait une histoire derrière les mots était un rite de passage destiné à sélectionner les lecteurs. En un mot, j'ai eu la sensation d'un livre profondément élitiste, tant par la culture à laquelle il fait référence qu'à la compétence qu'il exige pour arriver à entrer dedans. Et cela me déplaît profondément.
La Note de Mélu:
Quelques exemples pour vous donner une idée:
"Un nègre enturbanné d'or jaune m'accueillit, roulant ses yeux de plâtre noir. Dans le salon aux érudits tapis persans les cendriers croulaient sous les diamants. Travaillant plus que leurs esclaves, les Rimbaud les avaient trouvés au fond de leur épuisement. Mes cheveux dégageant mon front préraphaélite, je passais mon examen de bohème. Dans leur yeux nocturnes brilla ce jugement sans appel: "Paysanne!" tandis que des grognements d'ours bruns savouraient l'exotique blancheur de ma peau."
"Ma mère était une sorcière de porcelaine. Sa frange de cheveux outrenoirs coupée droit sur son front soulignant son regard hypnotique, elle avait la politesse parfaite des sauvages. Les puits pailletés de ses yeux reflétaient la brûlure sidérale du cosmos. Plus mystérieuse qu'une étrangère elle scrutait la nuit parme tandis que la neige avait ses interminables crises de pureté. Souveraine des ciels nocturnes, elle attrapait d'un pinceau génial la lumière embuée de la lune."
Je remercie Babelio et les éditions Mercure de France pour m'avoir envoyé ce livre.