Y a-t-il un français dans la salle?
L'auteur: Si les romans sont signés San Antonio, l'auteur physique Frédéric Dard (1921-2000) est né à Bourgoin-Jallieu en Isère (oui, j'avoue, ça a un peu orienté mon choix de lecture, mais ya pas que le rugby à Bourgoin).
Le livre: Le président Tumelat, vieux beau qui fricote avec sa secrétaire Ginette Alcazar, se voit informé que son oncle, le vieil Eusèbe, s'est pendu. Héritier de la maison, il s'y rend, et y croise Paul Pauley le flic qui le surveille de près (on ne sait jamais), ainsi que Georgette Réglisson, la femme de ménage. Qui a une très jolie fille: Noëlle, blonde, dix-sept ans, elle joue de la flute et plaît beaucoup au Président. Mais il a d'autres soucis: dans le mur de la salle de bain de son oncle, il cache depuis plus de vingt ans le secret qui a poussé le vieil Eusèbe au suicide.
Bon, j'ai pris ce livre par curiosité. Je me suis éclatée les premières pages avec ce langage à la fois ordurier et précieux, avec des tournures de phrases plus que recherchées au milieu desquelles fleurit une grossièreté. Ce qui ne m'a pas rebutée, c'est que ce langage est une véritable provocation de la part d'un auteur qui sait parfaitement manier le néologisme et le mot précieux. Bon, il faut avouer qu'au bout d'un moment, ça lasse. Surtout que le langage n'est pas le seul à provoquer: l'auteur fait volontiers dans le pornographique sans prendre le moindre gant, avec désinvolture. D'autant plus qu'il compte sur sa truculence verbale pour faire patienter ses lecteurs au niveau de l'intrigue: combien de fois ai-je failli refermer ce livre où les choses n'avançait pas assez vite à mon goût? Mais la curiosité a été plus forte, et il faut avouer que cette histoire de plus en plus intrigante a eu raison de ma fainéantise. Une découverte intéressante, même si on est dans un genre que je n'affectionne guère (policier + provocation gratuite). Je terminerai par le meilleur point selon moi de ce livre: toutes les intrusions de l'auteur, rompant cette fameuse illusion romanesque pour s'adresser directement au lecteur en justifiant en note d'avoir choisi tel ou tel mot parce qu'il avait envie de le placer, et de traiter de "lecteur à la con" celui qu'il se délecte à "emmerder préalablement, et ce de manière indélébile, formelle et indexée".
J'inscris donc ce billet pour le challenge San-A lancé par Daniel Fattore, et le remercie pour m'avoir (indirectement) fait découvrir cet auteur et ce style!