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Ma bouquinerie
6 avril 2010

Balzac et la Petite Tailleuse chinoise - Dai Sije

dai sije L’auteur: Dai Sijie (né en 1954) est d’origine chinoise. Après l’emprisonnement de ses parents pendant la révolution culturelle chinoise, puis son envoi en rééducation à la campagne, il obtient une bourse pour étudier le cinéma à Paris, et ne quittera plus la France.

Le livre: le président Mao a amené la révolution en Chine. Non seulement tous les livres, symbole de décadence, sont interdits, à l’exception du petit livre rouge, mais les intellectuels du pays doivent subir une “rééducation” afin de leur rappeler la réalité de la vie prolétarienne. C’est ainsi que le narrateur et son ami Luo, âgés de dix-sept et dix-huit ans, fils de médecins, sont envoyés dans la campagne chinoise pour y être “rééduqués”: ils deviennent paysans, mineurs, porteurs de toutes sortes de fardeaux. Mais grâce à leur talent de conteurs, ils parviennent à obtenir un privilège: assister aux séances de cinéma en ville pour en faire ensuite le récit aux membres du village. Grâce à cette réputation, ils rencontrent la “Petite princesse de la montagne”, la Petite Tailleuse, si belle, véritable rayon de soleil, mais complètement inculte. Luo, amoureux, décide de tout faire pour instruire sa petite paysanne et la rendre cultivée. Et pour cela, il va rechercher les livres d’un auteur interdit, un certain Balzac.

J’ai découvert la période de révolution culturelle chinoise avec Shan Sa, et je ne le regrette pas: ces bouleversement de l’autre bout du monde nous rappellent qu’il n’y a pas si longtemps, dans un pays aujourd’hui parmi les plus puissants de la planète, les autodafés étaient la règle. J’ai donc particulièrement aimé l’évocation pudique et pourtant bien tangible d’une société muselée où il ne fait pas bon penser trop fort ou réussir trop bien. Ces deux garçons, envoyés volontairement dans la misère et dans la maladie pour le simple fait d’avoir terminé leurs années de collège, ma ému, autant que m’a touché l’envers d’une Chine encore profondément arriérée. Ce livre se lit très vite: l’écriture en est simple, et rappelons tout de même que l’auteur l’a écrit directement en français, qui n’est pas sa langue maternelle. Au départ, j’ai trouvé l’intrigue livresque un peu naïve, les ficelles un peu grosses : comme par hasard, une valise contenant les plus grands classiques connus de tous les lecteurs français est découverte (on sent que Dai Sijie a voulu encenser la culture libre et florissante de son pays d’adoption) et bien sûr, ces lectures vont suffire à métamorphoser la Petite Tailleuse. Frappez-moi sur les doigts: les dernières pages rendent bien plus profonde et bien plus complexe cette interprétation simpliste de l’éducation littéraire. Je ne divulguerai rien, mais j’insiste sur mon incapacité à penser à autre chose pendant les minutes qui ont suivi le moment où j’ai fermé le livre. Je ne suis pas déçue, c’est un excellent livre, à la fois accessible et loin d’être épuisable.

balzacLe film: en 2002, Dai Sije lui-même adapte son roman à l'écran. Le public français découvre alors trois jeunes acteurs chinois: Kun Chen qui incarne Luo, Liu Ye dans le rôle du narrateur Ma, et la jolie Zhou Xun en petite tailleuse. L'intrigue est globalement fidèle au livre, l'ambiance surtout. Plongés dans une Chine traditionnelle pittoresque, on n'en oublie pas que nos héros sont deux adolescents plus intéressés par les filles qui se baignent dans la cascade que dans le travail révolutionnaire. Le film mélange donc ce parfum de nostalgie exotique avec la modernité occidentale qui transpire à tous les niveaux. J'ai beaucoup apprécié que le film donne réellement toute sa dimension aux livres et aux auteurs:cachés dans la "grotte aux livres", ils sont manipulés, jaunis, lus et relus, prêtés, emportés, cités et recopiés. Le petit plus apporté par le film: une saut dans le futur dans les derniers moments. Quelques années plus tard, après avoir émigré en Europe et être devenu écrivain, notre narrateur apprend au journal télévisé la future destruction du village où il a été rééduqué. Il revient donc en Chine et essaye de retrouver la petite Tailleuse. Toujours dans l'esprit du livre, confrontant le monde paysan chinois et la modernité devenue toute européenne, les deux adultes redevenus les intellectuels qu'ils ne voulaient pas cesser d'être continuent à s'interroger sur le bien-fondé de leur relation avec la petite Tailleuse. Un beau moment d'émotion, pendant lequel je ne me suis pas ennuyée une seconde.

lunettes_noires

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Commentaires
O
J'ai en effet vu le film à la télévision, en ignorant totalement qu'il était tiré d'un roman du même auteur. J'avais été touchée par l'univers poétique de ce qui m'étais apparue comme une fable destinée à montrer qu'on ne peut pas tuer le désir de transmettre et que la littérature reste en toute circonstance une formidable ouverture sur le monde. <br /> Voilà qui me donne plutôt envie de lire le bouquin original.
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L
Je l'ai lu l'année dernière et j'avais bien aimé. J'avais trouvé que c'était une belle histoire d'amitié, d'amour aussi, qui nous faisait découvrir la Chine de l'époque et mettait l'accent sur la force de la culture.
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E
j'ai vu le film que j'avais trouvé très beau. mais du coup je ne vais pas lire le livre de peur d'être déçue!
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E
Lorsque j'ai lu ce roman a sa sortie, j'ai été ravie. Il m'en reste de bons souvenirs. Je m'étais attachée aux personnages, j'avais la plume de l'auteur. Je n'ai pas encore vu le film, de peur d'être déçu !
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M
Si vous aviez exploré plus en profondeur mon blog, vous auriez vu que j'ai lu plusieurs romans et nouvelles directement en ligne, comme ceux de Pascal Mérigeau,Didier Daeninckx ou Alexandre Dumas et que la plupart des ouvrages classiques dont je parle sont disponible en version électronique gratuite. Un minimum de prise d'information serait appréciable avant de lancer vos critiques...<br /> Après m'être rendue sur votre site, je ne sais pas si vous parlez des fameux livres électroniques star du Salon du livre cette année, ou des sites destinés à publier des textes sans passer par les éditeurs. Dans les deux cas, j'ai des raisons de rester fidèle à mes bons vieux livres papiers, car je peux les emmener dans le train ou sur la plage sans craindre d'abîmer ou de perdre un matériel hors de prix ni de me soucier de la batterie. Mais cela reste un choix très personnel correspondant à mon mode de vie.
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