L'Invisible
L'auteur: Pascal Janovjak (né en 1975) a étudié la littérature comparée et l'histoire de l'art. Il travaille actuellement à l'étranger.
Le livre: Un avocat luxembourgeois constate avec amertume la médiocrité de son existence. Il se trouve insignifiant, presque transparent. Un soir, dans sa chambre d'hôtel parisienne, la métamorphose de produit: il devient parfaitement invisible. Bien décidé à profiter de son nouveau statut, il vit en roi, se délectant de sa toute-puissance sur l'humanité. Plus rien ne l'empêche de voler impunément, d'entrer chez les gens, de regarder les femmes. Mais il lui en faut plus. Il décide de suivre dans la rue un inconnu, qui l'entraînera jusqu'à Tel-Aviv. Là, perdu, sans aucun recours, l'invisible découvre le revers de la médaille.
Ce que j'ai tout d'abord adoré dans ce roman, c'est ce ton cynique, cet anti-héros qui cache son dégoût de lui-même en crachant son venin sur les autres et sur tout ce qui l'entoure: "Je ne vais pas vous décrire le Luxembourg, c'est comme vous l'imaginez - et si vous n'imaginez rien, c'est encore mieux, c'est tout à fait ça". Ce ton sert à merveille dans toute la première partie ce voyeurisme pervers de l'invisible qui rejette son mépris sur des hommes qui lui sont devenus inférieurs. Le rythme est enlevé, on entre facilement dans ce jeu.
En revanche, j'ai eu beaucoup plus de mal à suivre la seconde partie: lorsque notre passe-muraille décide de suivre l'Arabe: pourquoi lui? qui est-il? pourquoi Tel Aviv, ce n'est tout de même pas neutre comme destination! Il doit y avoir quelque chose à comprendre, une signification métaphysique, mais j'avoue qu'elle m'a échappé. Et j'ai du coup trouvé l'escapade en Israël un peu longuette J'ai cependant apprécié que notre médiocrité faite homme invisible ajoute les préjugés racistes de notre époque à toutes ses autres qualités, puisque lorsqu'il pense au meurtre c'est vers un Arabe qu'il se tourne (Camus, si tu m'entends...), tout à fait capable de détourner l'avion pour le jeter sur un bâtiment... avant de se rendre compte que cet homme n'est peut-être même pas Arabe.
Il s'agit également d'un roman initiatique: c'est vers sa propre disparition que court le narrateur, ce dont il ne se rend compte qu'une fois perdu dans cette ville inconnu, après un cheminement destructeur et absurde, puisqu'il se rend compte que si personne ne peut le voir, personne ne se doute de son existence. C'est bien le rapport aux autres et à soi qui est mis en fable fort plaisante dans ce roman. Ajoutons à cela une construction très efficace dans le jeu des focalisations et du statut narratif qui m'a séduite. Une impression globalement très bonne, due en grande partie au talent langagier de l'auteur, auquel je suis toujours sensible.
Un grand merci à ainsi qu'aux éditions de m'avoir offert ce livre.